OORALISE

OORALISE, rappeuse franco-malgache, fait partie des deux groupes d’artistes accompagnés par Catalyse dans le cadre du projet P.A.C.T.  Elle va faire plusieurs résidences artistiques à Catalyse pour préparer son prochain set.

Présentation

Comment as-tu commencé dans la musique?

Il y a deux ans, sur un coup de tête, j’ai directement sorti des projets sur les plateformes. J’étais dans une période compliquée de ma vie, pleine de doutes, autant sur mes études que sur le plan social. À l’époque, j’étais en première année aux Beaux-Arts de Clermont-Ferrand et j’ai commencé à participer à des open mics. J’avais déjà écrit quelques textes de slam et de rap, juste pour le plaisir et pour expérimenter.

En les partageant sur scène, j’ai eu de bons retours : les gens ont apprécié et m’ont demandé si j’avais des projets en cours. À ce moment-là, je n’en avais aucun. Mais c’est comme si quelque chose m’appelait : je me suis dit « lance-toi ! ». Alors je l’ai fait, sans trop réfléchir, en me disant que je n’avais rien à perdre. Aujourd’hui, je ne veux rien faire d’autre que ça.

À quel moment as-tu voulu te professionnaliser ?

Dès le début, quand j’ai sorti mon premier projet, j’avais cette naïveté de ne pas vraiment savoir dans quoi je me lançais, mais je savais déjà que je voulais m’investir à fond. Je voulais qu’il prenne la forme d’un album qui raconte une histoire, avec une vraie direction visuelle. C’était mon objectif principal.

Cet album, je l’ai créé pour intégrer l’école dans laquelle j’étudie aujourd’hui : la HEAD à Genève. Je devais présenter un projet personnel qui me ressemble, alors j’ai voulu le faire de manière professionnelle dès le départ.

Un autre déclic a été le Tremplin Rappeuz auquel j’ai participé en France : j’ai été sélectionnée parmi les finalistes alors que je faisais du rap depuis peu. Ça m’a fait réaliser que j’avais quelque chose à développer.

Que signifie ton nom d'artiste OORALISE ?

J’ai demandé à mes proches quel adjectif me décrivait le mieux, et ils m’ont répondu : « solaire ». En cherchant, j’ai trouvé l’anagramme « Oralise », qui fait écho au verbe « oraliser ». En ajoutant un deuxième « O », cela forme le chiffre 8, symbole de l’infini, et un mot de 8 lettres au total.

Le chiffre 8 a une grande signification pour moi. Depuis que je me suis lancée sérieusement dans la musique, il revient sans cesse. Par exemple, quand je prends le train, je suis souvent dans le wagon 8. Ce chiffre me suit depuis mes débuts, à chaque moment clé : mes premiers concerts, mes premiers résultats.

C’est aussi mon chemin de vie, et je suis convaincue que c’est lié à ce que je suis. Ça m’apporte un vrai sentiment de bien-être.

Comment définis-tu ta musique et qu’est ce qui t’a poussé à choisir ce genre musical en particulier ?

Je suis rappeuse, et la culture hip-hop m’inspire énormément. J’adore la danse : le hip-hop, le breakdance, les flash mobs… Le film Sexy Dance m’a particulièrement marquée, surtout le quatrième, avec cette compétition de hip-hop dans un vieux hangar. Cette énergie et cette liberté, c’est exactement ce que j’ai envie de transmettre dans ma musique.

Les films m’ont beaucoup inspirée, tout comme la musique que mes parents écoutaient : le jazz et la musique malgache. Mais c’est surtout ce besoin de dire les choses qui m’anime. Chacun de nous est destiné à exprimer ce qu’il sait faire de mieux.

J’ai toujours aimé raconter, parler, poser des questions… Une vraie pipelette ! La musique me permet d’être libre et fidèle à moi-même. Ce que j’aime particulièrement, c’est dire la vérité. J’aime aussi chanter, mais je ne me suis jamais vue comme une chanteuse. Je parle tellement vite, j’adore les rimes, et c’est là que je me sens à ma place.

Pourquoi mets-tu beaucoup en avant ton côté malgache ?

Mettre en avant mes origines malgaches dans ma musique, c’est rendre hommage à l’histoire de mon père et à la culture qui m’a profondément marquée.

Avec une maman française et un papa malgache, j’ai toujours été entre deux cultures, sans jamais appartenir pleinement à un lieu ou un pays. Mais c’est la culture malgache qui m’a été transmise intensément : les traditions, l’attachement à la famille, le partage des émotions. J’ai eu la chance d’aller plusieurs fois là-bas, et ça a forgé mon identité.

Mon père a quitté son pays, qu’il aimait beaucoup après avoir rencontré ma mère. Il a connu la ségrégation à cause de son nom et a dû se battre pour réussir, partant d’une famille modeste. Mettre en lumière sa culture à travers ma musique, c’est une manière de réparer cette histoire, de montrer que chacun mérite sa place et d’ouvrir les esprits à d’autres réalités que celles qu’on connaît en Europe.

J’ai grandi avec beaucoup de chances, mais aussi avec cette conscience que tout peut basculer et qu’il faut toujours garder du recul. La musique me permet de transmettre cette idée qu’on peut trouver de la joie, même dans les moments difficiles, et de montrer qu’on peut se contenter de peu tout en étant heureux.

Je suis quelqu’un de très positive, et j’ai envie de provoquer ça chez les autres, comme un héritage de ce que mes parents m’ont transmis.

Travail actuel

Sur quoi travailles-tu actuellement ?

Je prépare la réédition de mon EP “OO Delà”, sorti le 29 novembre, qui est disponible depuis le 28 février. Cette réédition, enrichie de deux nouveaux titres, me permet de faire revivre cet EP et de clore un chapitre important de ce qu’a été OORALISE jusqu’à présent.

J’ai beaucoup créé et partagé ces derniers temps, parce que j’en ressentais le besoin. Ces nouveaux morceaux représentent à la fois qui je suis aujourd’hui et la direction que je souhaite prendre pour la suite.

Qu’est ce qui inspire tes textes et tes sons ? Quels messages ou émotions cherches-tu à transmettre dans ta musique ?

Au début, je voulais surtout ouvrir les yeux aux gens. Aujourd’hui, mon but est de donner de l’espoir et de montrer qu’il faut se détacher du regard des autres.

J’ai envie de promouvoir une attitude authentique : être soi-même, pleinement. À travers l’émotion que je mets dans ma musique, parfois avec des mots crus ou complexes, je veux qu’on ne craigne plus de dire et de faire les choses.

C’est aussi prendre position sur ce qui se passe dans le monde, parler de ses origines, célébrer la diversité, sans se cacher. Que chacun puisse briller à sa manière, avec bienveillance envers soi-même.

Quels genres de retours sur ton travail t’encouragent à continuer ?

Voir les réactions positives des gens et savoir que ma musique peut les toucher me donne une vraie motivation. Les retours des professionnels qui m’entourent, qui prennent le temps de me conseiller sur ce que je peux améliorer, me poussent aussi à avancer.

J’ai surtout envie de montrer à mes parents qu’il est possible de suivre ses envies dans la vie. Pas pour réaliser leurs rêves à leur place, mais pour leur prouver qu’écouter son cœur, ça fonctionne.

Tu travailles beaucoup l’esthétique de tes clips et de ton univers visuel, quelle place joue l’image dans ton identité artistique ?

J’ai commencé dans la musique en développant des scénographies et des univers visuels, un aspect qui a toujours été essentiel pour moi. Par exemple, j’ai créé la scénographie et les décors du clip de mon morceau « Falaise ». J’en suis très fière, même si je n’avais pas tous les moyens pour concrétiser toutes mes idées.

Parfois, je veux aller trop vite, en faire beaucoup pour prouver la qualité de mon travail. Mais avec mes deux dernières covers, j’ai opté pour quelque chose de simple : juste moi, avec des vêtements qui me représentent. Et ça fonctionne, car rester authentique et spontané, tout en soignant le rendu, c’est tout aussi puissant selon moi.

Si tu devais collaborer avec un artiste actuel ou d'une autre époque ou discipline, qui choisirais-tu et quel genre d'œuvre créeriez-vous ensemble?

J’écoute beaucoup Doechii, une rapeuse americaine qui bosse avec beaucoup de femme, elle a sorti une mixtape « alligators bites never healed ». Elle est dans son énergie féminine, elle est très ancrée dans ce qu’elle fait, elle a sa proposition, ses outfits, j’aime ce qu’elle représente alors pourquoi pas faire un projet avec elle. Sinon bad bunny, c’est un artiste portoricain, il a sorti un album super cool ou il parle de ses origines et de sa culture. J’ai envie de faire une mixtape itinérante avec des artistes étranger, parler de nos rencontres, être dans l’échange, les gens avec qui je travaille ça devait être ces gens-là.

En autre discipline, j’ai un petit frère qui fait du basket. Il est aussi très dans le « délire américain ». Il est en pôle espoir, il va jouer dans des grosses équipes en centre de formation, pour moi le basket et le rap c’est très relié donc pourquoi pas un projet de développement de produit comme des baskets de sport ou streetwear, un projet relié.

Expérience à Catalyse

Que t’apporte le project d'accompagnement P.A.C.T ?

Ça m’a éclairé sur beaucoup de choses. J’ai eu beaucoup de remise en question, je suis indécise par rapport à d’habitude ou je fonce juste en me disant que je le fais seule. Ça me met face à mes points d’amélioration, c’est vraiment ce dont j’avais besoin pour avancer et avoir un retour et de l’aide pour progresser. Le fait d’avancer moins seule, clôture le chapitre d’avant ou je pensais devoir tout faire toute seule, je suis plus entouré, je suis moins dans cette urgence de faire de la musique. Je suis moins seule, je dois apprendre à expliquer ce que je veux faire ou je veux aller, apprendre à être plus concise et claire sur ce que je propose et écouter les autres.

Comment le fait d’être en résidence dans notre pôle artistique influence ton travail ?

Samedi, pendant ma résidence, je ne me sentais pas très bien. En ce moment, j’ai moins cette excitation de faire, avant j’avais envie de tout réussir, cette pression de devoir toujours être là, etc… et maintenant je peux être plus chill sur ça et me détendre, lâcher prise, me laisser guider. Grâce à l’aide de la DJ MULAH, qui est venue pendant ma résidence, j’ai pu me rater, crier, tester le son, craquer, me tromper, pour progresser.

As-tu créé quelque chose en particulier pendant ta résidence à Catalyse ?

J’ai refait l’ordre de ma Track liste de concert. Elle commence avec les premiers son rap récent qui me permettent de me présenter, mon attitude, mon flow. Ensuite on part dans le voyage avec des choses plus acoustiques et joyeuses qui me représentent aussi, puis, on finit avec du gros son rap un peu électro. Ça fait une ascension dans le show. J’ai pu avancer sur la construction du live, du set, et l’adapter de 30 à 45 min, le rendre modulable en fonction des lives que je vais faire. J’ai appris la méthodologie pour mettre en forme mes sons en fonction du temps que j’ai.

Quel est ton objectif à la fin de ta résidence et ton année avec le P.A.C.T ?

Je ne savais pas à quoi m’attendre pour la résidence. Je me pose encore des questions si je continu les études ou si je continu la musique. L’objectif est d’essayer d’améliorer ce que j’ai déjà, me dire que des gens m’écoutent, que si j’ai des questions c’est ok et que je suis soutenu. Je veux me dire que je peux être soutenu et je ressors avec des clés pour gérer mon truc. Qu’il faut y aller tranquille et pas trop se mettre la pression pour faire vite et beaucoup. Ça me fait aussi des nouveaux contacts.

Vision future

Comment vois-tu l’évolution de ton travail dans les prochaines années ?Objectifs moyen long terme

J’aimerai beaucoup travailler à l’international, j’ai envie d’aller voir ce qui se passe ailleurs, rencontrer d’autres personnes, je suis ouverte à un autre type de musique aussi. Avec la musique je vais être amener à voyager potentiellement, j’aime cette idée d’ouvrir le champ des possibles géographiquement pour pratiquer la musique.

Quel est l’endroit où tu rêves de rapper ?

Dans mon pays à Madagascar, je ne sais pas ce que ça donnerait mais ça pourrait être cool. Dans des évènements caritatifs, pour apporter quelque chose à un pays, pour des enfants ou autre. Ou sinon, dans les shows américains, j’aime beaucoup le stand up, donc pourquoi pas faire quelque chose d’hybride.

Ou pouvons-nous suivre tes actus et écouter ta musique ?

Partout. Sur toutes les plateformes :  Spotify, Deezer etc. Sur YouTube, il y a mon clip « Falaise ». Sur TikTok je poste des freestyles et sur Instagram ce sont les sorties officielles et un feed plutôt travaillé et esthétique.

Aurais-tu un conseil à donner à un.e artiste qui se lance dans la musique ?

Croire en soi, et le faire avec passion. Aller voir des gens, ne pas craindre de se montrer. Se lancer. Ne pas se forcer, sortir des morceaux même s’ils ne sont pas de haute qualité. Ne pas avoir peur et se dire que ça prend du temps et que c’est ok. Se détacher des chiffres, du nombre de vues, les artistes qui explosent sont souvent là depuis 5 ans et on ne voit pas toujours le travail de fond, c’est un métier. Ne pas lâcher, être régulier, et c’est normal d’avoir des moments moins productifs.